La biodiversité entre faits et extrapolations

Un certain nombre de termes, souvent utilisés « au petit bonheur la chance », font en permanence la une des médias et des réseaux sociaux : OGM, biodiversité, sixième extinction, etc. Les OGM sont déjà longuement abordés dans ce blog avec deux textes dont un sur les prétendus « OGM cachés ». Nous allons aborder ici la question de la biodiversité, terme qui est une contraction de « diversité biologique » et qui recouvre trois niveaux du vivant.  La diversité infraspécifique, c’est à dire la diversité génétique à l’intérieur d’une espèce vivante. La diversité interspécifique qui désigne la pluralité des espèces vivantes de la planète. La diversité des écosystèmes c’est à dire les divers ensembles d’organismes vivants, animaux, plantes et micro-organismes, qui interagissent entre eux et avec le milieu dans lequel ils vivent. Pour plus d’informations sur les ambivalences de ce terme de biodiversité, on peut consulter deux textes dans l’Encyclopédie de l’Environnement, l’un de Jacques Joyard de l’université Grenoble-Alpes, l’autre de Jacques Blondel de l’université de Montpellier. On peut également voir une vidéo, pédagogique et ludique à la fois, de la chaîne de vulgarisation scientifique Hallucigenia, réalisée en collaboration avec l’Association Française pour l’Information Scientifique (AFIS).

Ce texte concernera exclusivement la biodiversité interspécifique. Plus précisément, il sera focalisé sur les questions du nombre d’espèces vivantes existantes et de la proportion de celles qui seraient menacées d’extinction. Des sujets très médiatisés, sur un mode très alarmiste, par les médias grand public et des ONG, sur la base de déclarations d’organismes internationaux considérés comme des références en la matière. Qui n’a entendu parler « d’effondrement de la biodiversité », voire de « disparition du vivant » ? Quelle est la part du factuel et des suppositions sur ce sujet ? C’est ce que nous allons tenter de comprendre en abordant quatre questions.

1) Combien connaît-on actuellement d’espèces vivantes ?

2) Que sait-on du nombre total d’espèces existantes ?

3) Que sait-on sur les espèces menacées d’extinction ?

4) Peut-on estimer la quantité totale d’espèces menacées d’extinction  ?

Espèces vivantes recensées

On est là sur un terrain scientifique relativement solide. Un organisme sert actuellement de référence internationale. Il s’agit de Species 2000 qui établit le « Catalogue de la Vie » (Catalog of Life – CoL), continuellement mis à jour. L’édition 2019 de ce catalogue fait la liste de 1 837 565 espèces vivantes actuellement recensées et de 63 418 espèces éteintes au cours des temps géologiques. C’est un travail d’inventaire qui porte sur tous les domaines du monde vivant : Virus, Procaryotes (organismes unicellulaires sans noyau différencié = Bactéries et Archées) et Eucaryotes (organismes uni ou pluricellulaires dont les cellules ont un noyau bien différencié contenant les chromosomes).

Les auteurs ont recensé 1,3 millions d’animaux, 370 000 plantes et 135 000 champignons pour ne parler que des 3 groupes les plus représentés et les plus familiers (on trouvera les chiffres des huit groupes étudiés en ouvrant la rubrique « Parcourir »  sur leur site). Ils considèrent que cette liste ne représente que 80 % des espèces déjà connues des taxonomistes, dont le total se situerait autour de 2,2 millions. Au moins deux raisons font que cet inventaire est plus difficile qu’il peut le paraître.

1) Il peut y avoir de nombreux doublons, c’est à dire qu’une même espèce a pu être recensée par des experts différents. La quantité de ces doublons se situerait entre 10 et 20 %, ce qui n’est pas négligeable.

2) L’autre complication tient à l’incertitude même de la notion d’espèce. Des races géographiques (ou sous-espèces) d’une même espèce peuvent présenter des différences telles qu’elles seront cataloguées comme espèces différentes. Et il ne s’agit là que des eucaryotes, chez les procaryotes et les virus, la notion d’espèce est encore beaucoup plus floue et très délicate à manier.

Quelle proportion du monde vivant représente ce catalogue de la vie ? Autrement dit, que sait-on du nombre d’espèces existantes ? Là, les choses se compliquent sérieusement.

Estimation du nombre d’espèces existantes.

Les biologistes sont bien conscients depuis longtemps que la connaissance du nombre d’espèces existantes est essentielle pour comprendre le monde vivant et ses modifications. Depuis les années 1980, plusieurs tentatives ont été faites, toutes basées sur des hypothèses et des extrapolations assez hasardeuses.
L’une des premières est celle de Robert May, biologiste de l’évolution à Oxford, en 1988. Il s’est intéressé aux animaux et part de l’hypothèse qu’ils doivent être d’autant plus nombreux qu’ils sont plus petits. Se basant sur le nombre des gros animaux, mieux connus, tels que les mammifères et les oiseaux, il aboutit à une estimation de 10 à 50 millions (M) d’animaux terrestres (hors mers et océans).
Si on fait l’inventaire de tous les travaux réalisés depuis sur le sujet, on arrive à des chiffres variant de 3 à 100 M d’espèces existantes, pour les seuls eucaryotes. Les estimations considérées comme les plus vraisemblables allant de 5 à 30 M d’espèces. Si l’on veut aussi inclure les virus et les procaryotes, les incertitudes deviennent phénoménales.

Actuellement, l’évaluation la plus couramment acceptée est celle publiée en 2011 par Camilo Mora et al, qui arrivent à un chiffre de 8,7 M (± 1,3 M) pour l’ensemble des eucaryotes uni et pluricellulaires dont 8,1 M de plantes et d’animaux. C’est actuellement ce travail qui sert de référence et de base de calcul à des organismes comme l’IPBES dont il sera question plus loin. Leur travail est complexe et cohérent mais basé, là encore, sur des extrapolations aventureuses [1].

En même temps que cet article, la revue PLOS publie onze commentaires de lecteurs scientifiques dont certains sont très critiques, tant sur la méthodologie que sur les résultats. Par exemple celui Bernard Slippers, un expert mycologue, qui estime que le règne des champignons dépasserait à lui seul 8,7 M d’espèces (l’estimation de Camillo Mora et al. est de 611 000 ± 297 000 !). Ce seul commentaire illustre bien l’énorme degré d’incertitude qui pèse toujours sur cette question. Autre exemple : leur estimation des espèces de procaryotes dans les océans est de 1 320, alors que l’expédition Tara Oceans a déjà permis d’en identifier autour de 35 000.

Une publication de chercheurs Australiens parue en 2014 pointe le fait que depuis six décennies, les estimations du nombre d’espèces publiées par différentes équipes n’ont pas réussi à converger[2].

Recensement des espèces menacées

Les deux principaux organismes internationaux sur cette question sont l’International Union for Conservation of Nature (IUCN) et le World Wide Fund for Nature (WWF). Nous traiterons de ce dernier dans la section suivante car il fait aussi des estimations globales d’espèces menacées.

La Liste Rouge des espèces menacées d‘extinction, établie par l’IUCN, sert de base aux travaux scientifiques qui se penchent sur ce sujet. Créé en 1964, cet organisme est devenu la source d’information la plus complète dans le monde sur les risques d’extinction des espèces animales, végétales et des champignons. Cette Liste Rouge est souvent citée comme un « baromètre de la vie« .

L’IUCN est un organisme privé financé par des dons de fondations et de particuliers et travaille en partenariat avec de nombreuses universités dans le monde. Au 31 août 2020, sur 120 372 espèces étudiées, 32 000 étaient placées sur la Liste Rouge (27%). Leur projet est d’arriver à évaluer 160 000 espèces d’ici fin 2020. Remarquons que ce chiffre, qui demande pourtant un travail considérable, ne représente jamais que 2% des espèces animales et végétales qui existeraient si l’on se fie à l’estimation de Camillo Mora et al.

L’IUCN classe les espèces qu’il évalue en 9 catégories : 1) Non évaluées, 2) données insuffisantes, 3) peu préoccupantes, 4) presque menacées, 5) vulnérables, 6) en danger d’extinction, 7) gravement menacées d’extinction, 8) éteintes à l’état sauvage, 9) éteintes. Ce sont les espèces des catégories 5,6 et 7 qui sont classées comme menacées. Les critères utilisés sont essentiellement basés sur le nombre d’individus et sur la réduction de l’aire occupée. Dans la catégorie 8, ils ont recensé 77 espèces et dans la catégorie 9 : 882 espèces éteintes depuis l’an 1500.

Estimation du nombre total d’espèces menacées d’extinction.

Il s’agit là d’estimations effectuées par deux organismes internationaux : L’Intergovernmental Science-Policy Platform on Biodiversity and Ecosystem Services (IPBES) et le WWF déjà cité.

Ces deux organismes ont diffusé des annonces qui font le buzz médiatique depuis 2018. L’IPBES annonçant dans son rapport de 2019 qu’un million d’espèces étaient menacées d’extinction ; le WWF annonçant dans son rapport de 2018 que, depuis 1970, les populations de vertébrés avaient diminué de 60 % et, dans son rapport de 2020, de 68 %.

A) L’IPBES

Cet organisme n’est pas une ONG  comme l’IUCN et le WWF. Il se désigne lui-même comme un organisme intergouvernemental indépendant comprenant plus de 130 États membres dont le rôle est de fournir aux décideurs des évaluations scientifiques objectives sur l’état des connaissances sur la biodiversité de la planète. On le désigne souvent comme le « GIEC de la biodiversité ». On peut lire ici son rapport 2019 en Français.

Comment est calculé le chiffre de 1 million d’espèces menacées ? À partir des données de la Liste Rouge de l’IUCN, que les chercheurs de L’IPBES ont extrapolées à toutes les espèces animales et végétales du globe. Ils prennent comme nombre total d’espèces existantes l’estimation de Camilo Mora et al. C’est à dire 8,1 M dont environ 5,5 M d’insectes, soit 75%. Leur calcul est simple : d’après la Liste Rouge de l’IUCN de 2018, 10 % des espèces d’insectes sont menacées = 550 000 et 25 % des autres espèces le sont = 625 000. En arrondissant, cela fait en tout 1 million d’espèces.

En défense de cette estimation, on peut lire les justifications données par Andy Purvis, Professeur au Natural History Museum à Londres, responsable de ce travail (en Anglais). Il s’agit de réponses à 13 questions couramment formulées. Contentons-nous d’en résumer une. À la question :  « Pourquoi faire des estimations d’extinctions basées sur des millions d’espèces inconnues », Andy Purvis répond : Parce qu’il serait idiot de ne pas le faire (!). Un peu plus loin il ajoute : Il ne fait aucun doute qu’au moins certaines de ces espèces non découvertes sont menacées d’extinction. Les ignorer serait donc non seulement stupide mais résolument non scientifique. Leur calcul étant basé sur les 120372 espèces évaluées par l’IUCN et les estimations du nombre total variant de 3 à 100 M, on est en droit de se demander s’il n’y a pas confusion entre démarche scientifique et communication médiatique. Surtout quand on connaît les énormes différences entre zones géographiques et entre espèces.

L’IUCN est beaucoup plus prudent, sur son site on lit : Les évaluations portent sur environ 5 % des espèces actuellement décrites et l’IUCN n’est pas en mesure de donner une estimation globale sur le nombre d’espèces menacées sur la planète.
Il est aussi précisé :  parmi les espèces évaluées, il y a des biais en faveur des espèces terrestres, notamment forestières, et aussi un fort biais (strong bias) en faveur des animaux plutôt que des plantes et des champignons. Raison de plus d’être très réservé vis à vis de toute extrapolation.

B) Le WWF

World Wide Fund for Nature, ou Fond Mondial pour la Nature France ou WWF France. Le WWF ne s’intéresse qu’aux seuls vertébrés : mammifères, oiseaux, poissons, reptiles et amphibiens, et publie un rapport tous les deux ans. Le tout dernier rapport, publié en septembre 2020 porte sur 20 811 populations de 4 392 espèces étudiées jusqu’en 2016 (p. 19), le précédent rapport date de 2018. Le WWF ne se contente pas de faire un recensement, il fait aussi une estimation de la proportion globale d’espèces menacées dans le monde en extrapolant à partir des espèces étudiées. Cette généralisation donne ce qu’il appelle l’Indice Planète Vivante ( LPI en Anglais).
Mais il y a un sérieux problème avec la diffusion de ces rapports.

Dans le communiqué de presse du rapport 2018 du WWF France sur le LPI ; on lit en très gros titre : 60 % des populations d’animaux sauvages perdues en 40 ans. Dans le rapport de 2020 du WWF mondial, on lit : Le LPI montre une chute (fall) moyenne de 68 % chez presque 21 000 populations sauvages.

Tout le monde comprend que 60 ou 68 % des vertébrés ont disparu. C’est d’ailleurs le terme utilisé par la plupart des médias français et anglo-saxons comme on peut le constater sur le web. Certains journalistes parlent même d’animaux ou de faune sauvage disparus au lieu des seuls vertébrés. Le catastrophisme c’est très vendeur.

Pourtant, si ces gens avaient consulté le supplément technique du rapport de 2018, qui détaille la méthodologie utilisée, ils auraient pu y lire : le LPI est un changement relatif et non un changement absolu. On y lit aussi : La tendance (trend) globale calculée représente une tendance moyenne des changements des populations et non une moyenne du nombre total d’animaux ou d’espèces perdus (lost) (p. 4 et 12). Autrement dit, dans ses rapports et communiqués de presse, le WWF présente la signification de son LPI de façon très ambiguë, sinon erronée. Maladresse ou astuce de communication ? Pour plus de discussions sur cet indice, on peut se reporter à un article très pertinent du journaliste scientifique néerlandais Arnout Jaspers.

Dans ce supplément technique du WWF, on trouve aussi l’intéressant graphique suivant :

 

Figure 1 : Proportion d’espèces dans chaque groupe taxonomique pour lesquelles la tendance moyenne est en augmentation, est stable ou en diminution. C : (WWF, ZSL, 2018 Tech. suppl. LPI)

Avec la tendance moyenne calculée pour chaque espèce, on voit qu’un peu plus de la moitié des espèces de mammifères, oiseaux et reptiles, sont stables ou en accroissement tandis que plus de 50 % des espèces de poissons et d’amphibiens montrent un déclin. On a là une présentation bien plus nuancée et plus informative qu’un simple indice global sur la signification duquel le WWF lui-même semble se contredire.

Sur un sujet aussi important et aussi débattu que la biodiversité, il serait dommage d’en rester à des chiffres globaux, issus d’extrapolations très contestables. Je voudrais donc terminer ce texte avec des informations scientifiques plus consistantes, même si elles sont beaucoup plus restreintes.

Les poissons d’eau douce en France

L’occasion nous en est donnée par un ouvrage paru en 2020 : La gestion écologique des rivières françaises dirigé par Jean-Paul Bravard et Christian Lévêque, écologues spécialisés dans l’écologie des milieux en eau douce. Un chapitre (ch. 2 de la 4e partie) fait référence à plusieurs travaux sur les changements du nombre d’espèces et de leurs effectifs dans les rivières françaises. Il renvoie à un texte de synthèse de 2013 : Tendances évolutives des populations de poissons de 1990 et 2009  (rivières et cours d’eau) de l’Office National de l’Eau et des Milieux Aquatiques (ONEMA). Ce texte résume ainsi la situation (p. 7) : L’analyse de 20 ans de suivi des peuplements de poisson par pêche à l’électricité démontre une augmentation de l’aire de répartition et des effectifs pour la majorité des espèces. Si les évolutions les plus spectaculaires concernent certaines espèces exotiques (comme le silure ou l’aspe), de nombreuses espèces natives (comme le spirlin ou barbeau commun) montrent aussi des tendances à la hausse. Néanmoins, la situation de certaines espèces (l’anguille européenne, la truite commune, le toxostome) est particulièrement préoccupante, les populations étant clairement en déclin.

Ce résumé est très clairement illustré par les graphiques 2 et 3 ci-dessous. Ils représentent les données sur 47 espèces et on voit bien que, pour l’aire de répartition comme pour les effectifs, la quantité d’espèces stables ou en augmentation est largement supérieure aux espèces menacées. La situation globale des poissons d’eau douce en France est donc bien loin d’un « effondrement ».

Figure 2 : Changements dans l’ère de répartition des espèces étudiées. Cinq sont significativement en diminution (13 en tout), 20 en augmentation (33 en tout). C : BDMAP (onema) mai 2011
Figure 3 : Changements dans la densité des populations pour la période 1990-2009. Huit espèces sont significativement en déclin, 34 en augmentation. C : BDMAP (onema) mai 2011

Comparons avec la Liste Rouge de l’IUCN (en Français) sur le même sujet. Première constatation : Quinze espèces sont considérées par la Liste Rouge comme menacées sur les 80 qui ont été évaluées (p. 12 et 13). On constate que les évaluations diffèrent de celles de l’ONEMA. Des trois espèces particulièrement préoccupantes pour cette dernière, seule l’anguille européenne est aussi sur la Liste Rouge. La truite commune n’y est classée qu’en « préoccupation mineure » et le toxostome en « presque menacé ». Inversement, l’Ombre commun, classé comme « vulnérable » par la Liste Rouge semble se porter fort bien sur les graphiques de l’ONEMA. Bonne illustration du fait que le statut écologique d’une espèce peut prêter à des évaluations discordantes.

Second point : La Liste Rouge reste dans son rôle, qui consiste à ne recenser que les espèces en danger. L’ONEMA, quant à lui, présente le statut écologique de toutes les espèces étudiées, bon ou mauvais. Il donne ainsi une vision plus complète de la situation qui, du coup, apparaît nettement plus positive. Cette situation favorable des poissons d’eau douce en France est probablement la conséquence de la politique de réaménagement des cours d’eau datant du milieu du XXe siècle (confortée par la Loi sur l’Eau en 1992), qui a entraîné une amélioration de la qualité de l’eau des rivières.

Le déclin de la biodiversité n’est donc pas une fatalité, à partir du moment où des mesures pertinentes sont prises pour amélioré la situation, les résultats sont au rendez-vous. Malheureusement, les solutions pour stopper ce déclin se heurtent dans beaucoup de régions du globe à d’importants problèmes à la fois économiques, sociaux et politiques. Problèmes  d’une gravité sans commune mesure avec ceux rencontrés pour les cours d’eau de France. Mais là on dépasse très largement le cadre de ce texte.

Remarques en guise de conclusion

Les rapports de l’IPBES et du WWF posent un problème de fond. Étant donné la très grande diversité des zones géographiques et des espèces, est-il vraiment pertinent d’exprimer les modifications de la biodiversité par un chiffre global ? Lorsque celui-ci est très anxiogène, il peut être très efficace pour déclencher un battage médiatique, mais certainement pas pour une véritable information. On a le même type de problème avec la prétendue extinction de 75 % des insectes et de nombreux scientifiques s’en inquiètent. Avec de telles méthodes on croit sensibiliser les gens et on risque en fait d’aboutir à les démoraliser, voire à les perturber mentalement (eco-anxiété) et à discréditer la science. Comme l’écrit Christian Lévêque Dire que tout va bien serait peu sérieux, mais faire croire que tout va mal l’est tout autant. Cette phrase pourrait d’ailleurs constituer une bonne conclusion de ce texte.

Je me permets d’ailleurs de conseiller vivement la lecture de cet article de C. Lévêque publié par l’AFIS. Comme dans tous ses ouvrages, il défend une conception de l’écologie scientifique dans la logique de la pensée évolutionniste. Conception basée sur des observations approfondies et de plus en plus répandue parmi les écologues alors que, pendant longtemps, ceux-ci avaient conservés un cadre de pensée fixiste. On rencontre d’ailleurs encore souvent les termes : « équilibre », « conservation », « restauration » des écosystèmes. Or le monde vivant, à tous les niveaux d’organisation, est en perpétuel changement. Une vision fixiste relève plus du religieux que du réel, comme une réminiscence plus ou moins inconsciente du récit biblique.

ADDENDUM : Un article sur les populations de vertébrés paru dans la revue Nature un mois après la publication du présent texte conteste la pertinence du Living Planet Index. Le travail des auteurs vient à l’appui de ce qui est dit ici : donner un seul indice global comme mesure des modifications de la biodiversité à l’échelle du globe est trompeur. Cet indice unique masque les fortes différences entre espèces et entre régions et ne permet pas d’évaluer correctement les priorités dans la protection des espèces menacées.

 



Notes de bas de page    ( ↑ retour au texte)
  1. Les auteurs fondent leur estimation sur l’hypothèse que, dans un Règne du vivant, le nombre d’espèces est corrélé à l’abondance des unités taxonomiques (taxons) d’ordre supérieur (Genre, Famille, Classe, Ordre, Embranchement). L’intérêt de cette approche est que le nombre de taxons d’ordre supérieur est plus facile à recenser que les espèces elles-mêmes.
  2. Ces chercheurs font remarquer que ces différentes estimations sont fortement incohérentes entre elles. Par exemple, certaines estimations du nombre d’espèces marines sont plus élevées que d’autres sur l’ensemble des domaines vivants. De même des estimations du nombre d’espèces des récifs coralliens sont supérieures aux certaines estimations de la totalité des espèces marines.

2 réflexions au sujet de « La biodiversité entre faits et extrapolations »

  1. Un grand merci pour cet article qui a pour le moins le mérite de présenter la « biodiversité » sous 3 formes différentes, ce concept flou brandi à toutes les sauces par toutes les bouches.
    Je joins un lien vers un article-recension du livre de Christian Lévêque auquel vous faites plusieurs fois référence, « Biodiversité, avec ou sans l’homme » où il écorche sans pitié le mythe fondateur de l’écologie dogmatique, à savoir le fameux équilibre de la nature, posant alors une question fondamentale : mettre la nature sous cloche, ou l’accompagner ?
    http://le-jardiner-sceptique.over-blog.com/2020/04/un-livre-choc-la-biodiversite-avec-ou-sans-l-homme.html

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