Les surprises de l’évolution : des virus parmi nos ancêtres ?

A plusieurs reprises, j’ai abordé ici des questions touchant à l’évolution ou à la transgenèse. C’est une bonne raison pour parler d’une découverte récente qui fait un lien très spectaculaire entre ces deux sujets. Elle montre le rôle inattendu joué par certains virus dans l’apparition d’une innovation évolutive essentielle chez les mammifères : le placenta.

Schéma d'un virion de VIH

Schéma d’un virion de VIH. Les protéines de l’enveloppe sont les petites protubérances ovoïdes fixées sur la membrane virale, à la surface du virion .

Les virus impliqués dans cette innovation évolutive appartiennent à la famille des rétrovirus (retroviridae). L’exemple le plus largement connu est le VIH, responsable du SIDA. Mais il  en existe de nombreuses sous-familles qui infectent toutes les espèces connues, aussi bien animales que végétales et toutes ne sont pas  pathogènes. J’ai déjà eu l’occasion d’en parler dans l’article « OGM : fantasmes et réalités ». Continuer la lecture

La montée en puissance des idéologies créationnistes

La question du créationnisme ayant été abordée dans plusieurs articles de ce blog, je tiens donc à signaler un excellent livre de Cyrille Baudouin et Olivier Brosseau qui vient de paraître aux éditions Belin : « Enquête sur les créationnismes – réseaux, stratégies et objectifs politiques » C’est un ouvrage remarquablement bien conçu. Il débute par une préface sous forme d’entretien avec l’évolutionniste Guillaume Lecointre, qui pose clairement le problème de la spécificité de la démarche scientifique et de la nécessaire neutralité de la recherche vis à vis de tous les discours politiques ou religieux. Ensuite, dans l’introduction, pour clarifier leur propos, les auteurs présentent une définition du créationnisme au sens large : « Toute tentative d’explication du monde naturel visant à prouver de manière active qu’une force surnaturelle et décisionnelle élabore le monde ». Continuer la lecture

Le VIH ? Une invention des chercheurs !

A propos des courants antiscience qui ont fait l’objet de l’article précédent, juste une petite anecdote bien significative des outrances où ils peuvent mener et des dangers très concrets qu’ils peuvent représenter.

Il y a quelque temps j’assistais, en simple auditeur, à un débat organisé par le comité local d’ATTAC d’une ville voisine sur l’industrie pharmaceutique et les médicaments. Au moment où la discussion est arrivée sur les médications anti-SIDA, une participante a déclaré haut et fort que toutes ces thérapies ne pouvaient être que nocives car le VIH n’existait pas. Ce n’était qu’une invention des scientifiques et de l’industrie pharmaceutique. La preuve, c’est qu’on n’avait jamais réussi à l’isoler (précisons qu’il a été isolé en 1984 et séquencé en 1985 !). Elle a poursuivi en affirmant que le SIDA, comme toutes les autres maladies, était un problème nutritionnel et qu’il suffisait de manger sainement pour rester en bonne santé. Deux personnes assises à coté d’elle approuvaient, elles appartenaient manifestement toutes trois à l’une de ces « sectes diététiques » qui prétendent que si on se nourrit selon leurs règles (au demeurant très diverses selon les sectes !), on n’est jamais malade. A ma grande surprise, et alors qu’une trentaine de personnes assistaient à cette réunion, j’ai été le seul à réagir (après un instant de stupeur tout de même !).

J’ai appris depuis que cette colossale ineptie n’était pas une invention des personnes présentes à cette réunion, mais était véhiculée par des groupes antisciences. Une idée analogue avait même influencé Thabo Mbeki, président d’Afrique du Sud de 1999 à 2009, ce qui avait abouti à une grande catastrophe sanitaire. Si le SIDA n’est pas contagieux, inutile de prendre des précautions n’est-ce pas ? Résultat : en 2009 ce pays avait le plus fort pourcentage de séropositifs au monde.

 

Les multiples chemins de l’anti-science

« Le principal fléau de l’humanité n’est pas l’ignorance mais le refus de savoir ». Simone de Beauvoir

Dans certains articles de ce blog consacrés aux biotechnologies, j’avais rapidement évoqué la position anti-science évidente de certains opposants aux OGM, notamment les plus radicaux. Je reviens plus largement ici sur l’hostilité à la connaissance scientifique, car elle est le fait de courants très divers, plus influents et plus actifs qu’on ne pourrait le croire. Continuer la lecture

OGM et dérives médiatiques : une apothéose !

Des additifs, à partir du 17 octobre 2012, se trouvent en fin de texte.

Depuis le jeudi 20 septembre 2012, personne n’a pu échapper à l’incroyable ramdam médiatique qui a accompagné la publication d’une étude du laboratoire de Gilles-Eric Séralini, de l’université de Caen. Ce travail concerne un maïs OGM, qui se serait avéré très toxique chez les rats lors de tests à long terme (deux ans). Le Nouvel Observateur du 20 septembre a publié un dossier titré : « Oui, les OGM sont des poisons » et son contenu a été relayé par pratiquement tous les media, journaux et radio, sans aucune précaution et avec une surenchère de titres plus accrocheurs et plus passionnels les uns que les autres. Continuer la lecture

Les activistes de l’antiscience

L’article de ce blog « OGM : fantasmes et réalités », écrit pour l’essentiel en 2008, manifeste des inquiétudes, largement partagées dans la communauté scientifique, toutes disciplines confondues, sur la montée en puissance des courants antiscience. L’arrachage, à deux reprises, de vignes faisant l’objet d’expérimentations au centre de Colmar de l’Institut National de Recherche Agronomique (INRA), un organisme public, confirme malheureusement le bien fondé de ces craintes.

Mon propos ici est de faire ressortir ce qui me parait être la véritable signification idéologique de cette affaire, dans un contexte où se manifeste une inquiétante dérive du courant anti-OGM le plus extrémiste. Nous y reviendrons d’ailleurs dans un autre article, sur les soi-disant « OGM cachés ». Continuer la lecture

OGM : fantasmes et réalités

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Révisé en mai 2021

INTRODUCTION

Depuis les années 90, une controverse aussi vive que confuse rend incompréhensible la question des OGM pour le grand public. Ce qui n’était au départ qu’un simple débat est devenu une violente polémique où se mêlent positions passionnelles et manipulations politiques et mercantiles sur fond de désinformation abyssale. Plus grave : on en arrive à des dérives antiscience violentes qui sont traitées dans d’autres articles de ce blog, voir notamment ici.
Pour tenter de replacer le débat dans un cadre rationnel, il faut commencer par dissocier les aspects scientifiques et les questionnements socio-économiques qui sont constamment amalgamés dans le débat public, parfois par simple confusion, souvent par volonté délibérée.
1) L’aspect scientifique comporte lui-même deux volets. L’un relève directement de la Génétique fondamentale : les OGM représentent-ils quelque chose de radicalement nouveau dans le monde vivant, comme certains le disent ? Ce sera l’objet de la première partie. L’autre, plus agronomique, concerne leurs risques et avantages éventuels et sera abordé dans la deuxième partie.
2) L’aspect socio-économique porte sur le problème de l’auto-suffisance alimentaire et celui du brevetage. Cela fera l’objet de la troisième partie.

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L’héritage de Darwin et ses dévoiements. Le grand retour du « darwinisme social».

Révisé en 2019

Pour le bicentenaire de la naissance de Charles Darwin, en 2009, on a beaucoup parlé de la théorie de l’évolution et des conflits passionnés qu’elle a suscités, et suscite toujours, avec les religions. On a beaucoup moins évoqué les détournements idéologiques de la pensée de Darwin, dont un au moins, dénommé abusivement depuis 1880 « darwinisme social » a, lui aussi, déclenché de vives polémiques dès la fin du XIXe siècle. Si le premier débat est toujours très actuel, suite au regain des intégrismes religieux et des courants antiscience, le second ne l’est pas moins, mais de façon plus insidieuse. Depuis les années 1980, il imprègne tout le discours de l’idéologie dominante.
Je me propose ici de résumer quelques éléments de réflexion pour aider à mieux cerner les enjeux majeurs de ces débats autour du darwinisme.

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Pourquoi ce blog ?

Il est extrêmement éprouvant, quand on a consacré sa vie professionnelle à la recherche et à l’enseignement scientifiques de se sentir en permanence, dans la vie courante et sur des sujets que l’on connaît bien, soumis à un déluge de croyances et d’allégations extravagantes, voire franchement malhonnêtes. Croyances et réalités ne font pas toujours bon ménage, dire qu’il y a un fossé entre les deux est un euphémisme, il s’agit plutôt d’un abîme. La Terre n’est pas plate et le soleil ne tourne pas autour (comme certains persistent à le croire ), iI faut s’y faire !

Sur certains sujets ‘chauds’, la désinformation peut atteindre des niveaux impressionnants. Elle est souvent le fait d’organisations ou associations qui en ont fait leur fond de commerce, au sens propre du terme. Comme ces sujets sont très médiatisées, elles sont aidées par quelques personnages, pseudo-scientifiques mais vrais charlatans, qui trouvent là une occasion inespérée de faire parler d’eux, voire de gagner de l’argent, et achèvent de semer la confusion dans les esprits. Le plus grave, c’est que ces organisations et individus ont l’oreille des média qui, soumis à des exigences commerciales, font très volontiers écho aux idées les plus alarmantes. Jouer sur l’émotionnel en alimentant les peurs les plus fantasmatiques, profondément enfouies dans nos inconscients, est beaucoup plus vendeur que de faire appel aux connaissances qui relèvent de la raison.  C’est encore plus inquiétant quand des média publics à vocation culturelle, comme ARTE, France 2 ou France 5, jouent à ce lamentable petit jeu.

Au milieu de ce brouillage médiatique, il est très difficile (voire même impossible) aux chercheurs compétents et honnêtes de se faire entendre et les citoyens qui veulent vraiment chercher à comprendre sont dans l’incapacité de démêler le vrai du faux. Au delà de ce rapport à la science, complètement faussé, c’est toute la question de la possibilité même d’une démocratie véritable qui est posée. Elle se pose avec d’autant plus d’acuité que tout un courant antiscience va se développant (le regain des idées créationnistes en est un des symptômes les plus flagrants, mais il n’est, hélas, pas le seul !). C’est très inquiétant car une authentique démarche scientifique est notre seul rempart contre toutes les croyances et les superstitions et celles-ci, outre qu’elles sont vaines et mentalement aliénantes, sont susceptibles des pires dérives. Un seul exemple parmi tant d’autres : la croyance encore très répandue, et instrumentalisée par des politiciens sans scrupules, de l’inégalité des « races » humaines, à l’origine des crimes que l’on sait au cours de l’Histoire et dont la génétique a montré l’inanité.

Le but de ce blog est de donner des éléments de réflexion à ceux qui en ressentent sincèrement le besoin, surtout sur des sujets très médiatisés. Il ne faudra donc pas s’étonner d’y trouver des données et des idées complètement à contre-courant du discours ambiant. Dans la logique de ce qui précède, on ne trouvera ici que des articles qui gravitent autour de la discipline que j’estime bien connaître : la Génétique. Les textes seront souvent un peu longs mais si l’expérience montre que si l’on peut faire de l’information sérieuse à l’usage de tous, elle montre aussi qu’on ne peut la faire avec un lance-pierre. A chacun de choisir.