La saga tragi-comique des « OGM cachés »

Ce texte vient en remplacement de : « OGM cachés des relents idéologiques alarmants », publié en mars 2012. Afin de tenir compte de l’évolution à la fois scientifique et juridique de la situation une rédaction très remaniée était nécessaire.

En 2010, tous les anti-OGM, dont les « faucheurs volontaires », sans doute très déçus de ne plus avoir d’OGM à se mettre sous la dent (ils avaient été interdits à la culture en France depuis 2008), ont fait une nouvelle trouvaille qu’ils ont dénommée «OGM cachés» ou «OGM clandestins». Ce fut le point de départ d’une nouvelle saga devenue au fil du temps de plus en plus délirante jusqu’à se retourner contre ses auteurs. Aboutissement cocasse de ce qu’il faut bien appeler une histoire de fous, au pluriel car dans cette saga les fous sont nombreux, depuis les anti-OGM de base et leurs mentors de l’industrie du « bio », jusqu’à la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE).

Pour comprendre, il faut reprendre les choses depuis le début. En juillet 2010 et juillet 2011, en Indre et Loire et à Feyzin dans le Rhône, des « faucheurs volontaires » ont commis plusieurs arrachages de cultures qui visaient deux variétés de tournesol. La variété Clearfield, obtenue à partir d’un mutant apparu spontanément dans un champ et tolérante à un herbicide, l’Imazamox (Pulsar 40) et la variété Express Sun, tolérante à un autre herbicide, le tribénuron-méthyle. Dans ce dernier cas, la tolérance a été obtenue par mutagenèse expérimentale sur graines (donc in vivo) avec un agent mutagène chimique bien connu des généticiens : l’éthylméthanesulfonate (EMS). Ces deux tolérances sont intéressantes pour l’agriculteur car elles permettent de lutter contre l’ambroisie, sensible à ces deux familles d’herbicides. L’ambroisie est une plante originaire d’Amérique du Nord, elle a été importée fortuitement en France au XIXe siècle et s’est depuis répandue dans de nombreux départements. Elle pose des problèmes agronomiques, en tant que mauvaise herbe très envahissante, mais aussi et surtout de très sérieux problèmes sanitaires car son pollen est fortement allergène. Ces deux variants de tournesol n’étaient donc pas du tout des plantes génétiquement modifiées (PGM) dans le sens habituel du terme, c’est à dire transgéniques. Les arracheurs leur ont attribué le qualificatif d' »OGM cachés » qui s’est depuis étendu à de nombreuses autres variétés cultivées.

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ADN partout… ADN nulle part… perplexité d’un généticien

Comme on peut s’en douter à la lecture du titre, ce texte est écrit sur le mode humoristique, je ne vois pas d’ailleurs de quelle autre façon pourrait être traité un pareil sujet même si, tout compte fait, ce qui en ressort n’est pas vraiment réjouissant. Comme dit la chanson de Jean Ferrat : « Faut-il pleurer, faut-il en rire ? … ». A chacun de juger. Lire la suite

Le maïs, le petit papillon et les méchants champignons – Fable italienne très édifiante

Dans l’article « OGM, fantasmes et réalités », j’avais évoqué la dangerosité alimentaire des mycotoxines dont certaines sont à la fois cancérogènes, neurotoxiques, et autres joyeusetés. C’est le moment d’y revenir à la lumière d’un énorme scandale sanitaire qui agite l’Italie et dont nous n’avons aucun écho en France. Le directeur d’une coopérative agricole regroupant 16 producteurs a été emprisonné et une vingtaine d’autres personnes sont, à des degrés divers, poursuivies par la justice. Près de 300 carabiniers sont mobilisés pour effectuer des dizaines de perquisitions. L’affaire est donc de taille et sous la pression publique, l’enquête est menée grand train et en profondeur, du moins on peut l’espérer. Lire la suite

Les multiples chemins de l’anti-science

« Le principal fléau de l’humanité n’est pas l’ignorance mais le refus de savoir ». Simone de Beauvoir

Dans certains articles de ce blog consacrés aux biotechnologies, j’avais rapidement évoqué la position anti-science évidente de certains opposants aux OGM, notamment les plus radicaux. Je reviens plus largement ici sur l’hostilité à la connaissance scientifique, car elle est le fait de courants très divers, plus influents et plus actifs qu’on ne pourrait le croire. Lire la suite

OGM et dérives médiatiques : une apothéose !

Des additifs, à partir du 17 octobre 2012, se trouvent en fin de texte.

Depuis le jeudi 20 septembre 2012, personne n’a pu échapper à l’incroyable ramdam médiatique qui a accompagné la publication d’une étude du laboratoire de Gilles-Eric Séralini, de l’université de Caen. Ce travail concerne un maïs OGM, qui se serait avéré très toxique chez les rats lors de tests à long terme (deux ans). Le Nouvel Observateur du 20 septembre a publié un dossier titré : « Oui, les OGM sont des poisons » et son contenu a été relayé par pratiquement tous les media, journaux et radio, sans aucune précaution et avec une surenchère de titres plus accrocheurs et plus passionnels les uns que les autres. Lire la suite

Les activistes de l’antiscience

L’article de ce blog « OGM : fantasmes et réalités », écrit pour l’essentiel en 2008, manifeste des inquiétudes, largement partagées dans la communauté scientifique, toutes disciplines confondues, sur la montée en puissance des courants antiscience. L’arrachage, à deux reprises, de vignes faisant l’objet d’expérimentations au centre de Colmar de l’Institut National de Recherche Agronomique (INRA), un organisme public, confirme malheureusement le bien fondé de ces craintes.

Mon propos ici est de faire ressortir ce qui me parait être la véritable signification idéologique de cette affaire, dans un contexte où se manifeste une inquiétante dérive du courant anti-OGM le plus extrémiste. Nous y reviendrons d’ailleurs dans un autre article, sur les soi-disant « OGM cachés ». Lire la suite

OGM : fantasmes et réalités

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Révisé en mai 2021

INTRODUCTION

Depuis les années 90, une controverse aussi vive que confuse rend incompréhensible la question des OGM pour le grand public. Ce qui n’était au départ qu’un simple débat est devenu une violente polémique où se mêlent positions passionnelles et manipulations politiques et mercantiles sur fond de désinformation abyssale. Plus grave : on en arrive à des dérives antiscience violentes qui sont traitées dans d’autres articles de ce blog, voir notamment ici.
Pour tenter de replacer le débat dans un cadre rationnel, il faut commencer par dissocier les aspects scientifiques et les questionnements socio-économiques qui sont constamment amalgamés dans le débat public, parfois par simple confusion, souvent par volonté délibérée.
1) L’aspect scientifique comporte lui-même deux volets. L’un relève directement de la Génétique fondamentale : les OGM représentent-ils quelque chose de radicalement nouveau dans le monde vivant, comme certains le disent ? Ce sera l’objet de la première partie. L’autre, plus agronomique, concerne leurs risques et avantages éventuels et sera abordé dans la deuxième partie.
2) L’aspect socio-économique porte sur le problème de l’auto-suffisance alimentaire et celui du brevetage. Cela fera l’objet de la troisième partie.

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